La Terre D’abord n’est pas Straight Edge !

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De nombreuses/eux végan-e-s militant-e-s connaissent probablement la Terre d’abord, LTD pour les intimes. Très actif, se présentant comme dédié au véganisme et à l’écologie radicale, il s’agit d’un des rares sites internet en français abordant ces sujets sous un angle qui se veut radical et anticapitaliste, ce qui lui a permis d’acquérir une certaine notoriété dans les milieux végans radicaux dans l’état français. Reprenant le nom du réseau éco-anarchiste Earth First! (qui n’a aucun lien avec LTD), ce site qui se revendique végan straight edge fait l’apologie d’une culture « positive » et prône la mise en place d’une société égalitaire, débarrassée de l’exploitation animale et de la Terre, ainsi que du capitalisme.

Jusque là, tout va bien. Seulement, dès qu’on creuse un peu derrière la façade progressiste que se donnent les personnes qui gèrent LTD, on s’aperçoit qu’elles défendent des comportements et des idées clairement autoritaires et perpétuent nombre d’oppressions dans lesquelles elles se complaisent visiblement, restant hermétiques à toute critique de leur idéologie rigide. Celle-ci se base en bonne partie sur la défense leurs privilèges d’hommes cis* blancs… Je considère ici que toutes les personnes de la Terre d’abord appartiennent à la fois à ces trois catégories parce que c’est ce que j’ai pu constater jusqu’ici, ainsi que toutes les personnes avec qui j’ai pu en parler. Il semble important de préciser en effet qui sont ces personnes et de quelle position elles parlent, dans le sens où cela influe sur leur discours et les intérêts qu’elles défendent.

La Révolution n’est pas un dîner de gala

En premier lieu il est important de savoir que, bien que cela ne soit jamais explicité et même carrément dissimulé sur leur site, l’équipe de LTD sont les uniques membres du Parti Communiste Marxiste Léniniste Maoïste (PCMLm). Comme son nom l’indique, cette organisation groupusculaire, qui se rêve comme parti de masse du prolétariat, se revendique ouvertement du marxisme léninisme ainsi que de ses variantes parmi les plus autoritaires, le stalinisme et le maoïsme.

Pour celles/ceux à qui cela n’évoque pas grand chose, rappelons que Staline est celui qui a parachevé l’oeuvre de Lénine en parvenant au pouvoir en URSS dans les années 20, emprisonnant et massacrant en masse tou-te-s les opposant-es politiques réel-les ou supposé-e-s au nom de la révolution prolétarienne, entretenant volontairement des famines meurtrière afin de briser la résistance populaire à l’étatisation forcée de l’économie, déportant dans le sang des peuples entiers colonisés par l’état russe. Mao n’a pas valu beaucoup mieux, appliquant grosso-modo la même politique à la Chine dans les années 50 à 70, régnant par la terreur et rompant même avec l’URSS lorsqu’il a jugé que celle-ci déviait trop des principes staliniens. Il s’agit là de l’héritage politique du PCMLm, qui représente aujourd’hui la ligne la plus dogmatique de ce qui reste du maoïsme dans l’état français, et dans laquelle s’inscrit de fait LTD. En parcourant le site du PCMLm (1), on s’aperçoit en effet que les deux sites partagent les mêmes obsessions, notamment sur « LE » queer et « LE » genre, qu’ils considèrent comme d’horribles idéologies libérales à abattre. Nous y reviendrons plus loin.

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Hardline,  sexisme et homophobie

LTD revendique un lien avec le mouvement hardline, composante de la scène végan straight edge apparue au début des années 90 aux Etats-unis. Il serait trop long de faire ici une critique globale de ce mouvement mais, pour faire court, il a été lancé par le groupe de hardcore Vegan Reich, qui en a posé les bases dans un manifeste accompagnant leur premier album. Ce manifeste, qui prône par ailleurs la guerre totale contre les exploiteurs/euses d’animaux, condamne explicitement l’avortement des humain-e-s, vu comme un assassinat, ainsi que l’homosexualité soit-disant contraire à »l’Ordre naturel ». Ces positions réactionnaires, ultra-homophobes et ultra-sexistes, sont malheureusement toujours présentes dans une partie du mouvement vegan straight edge à travers le monde.

Il faut remarquer par ailleurs que certain-e-s végan-e-s straight edge ont tenté de se réapproprier le mouvement hardline dans une démarche progressiste, en se désolidarisant de ces positions. Pour moi, il est évident cependant qu’il n’y a rien à tirer d’un mouvement qui part sur des bases aussi oppressives, et qu’il n’est pas possible de  s’en réclamer sans soutenir aussi de fait des comportements sexistes et homophobes (comme le tabassage d’homos ou l’attaque de cliniques pratiquant l’avortement, pratiques qui oppriment et tuent tous les jours). C’est ce que fait pourtant la Terre d’Abord, qui par souci d’honnêteté (ce serait un peu gros de faire comme si de rien n’était) nous précise tout de même qu’historiquement ces positions font partie du mouvement hardline(2), mais ne s’en distancie même pas clairement et se contente d’une anti-homophobie de façade. Sur leur site, le hardline est principalement présenté comme une idéologie progressiste et positive dont devrait s’inspirer le mouvement pour la libération animale. L’homophobie et la négation du droit à l’avortement ne sont donc visiblement pour eux que des détails sans importance…

En réalité, sur tout ce qui concerne les questions de genre et de sexualité, LTD a des positions réactionnaires,  sexistes, homophobes et transphobes*.

Droit à l’avortement

Sur la question de l’avortement, LTD a récemment publié un article sur l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse)(3). Dans cet article, LTD affirme son soutien au droit à l’avortement, MAIS…  précise qu’elle « n’apprécie pas l’avortement, qui est à éviter autant que possible. » Reprenant un argumentaire partagé par les mouvements fascistes et réactionnaires anti-IVG et certain-e-s végan-e-s straight edge, les auteurs de l’article expliquent qu’il s’agit du meurtre d’un foetus, « une vie qui s’élance vers son départ, vers la naissance, donc à préserver, dans la mesure du possible. »

Ils présentent l’avortement comme un produit du libéralisme capitaliste, une objectification d’un être vivant, passant sous silence tous les rapports de pouvoir qui entourent l’avortement et la grossesse. Qui est susceptible de tomber enceint-e ? Les personnes possédant un utérus, femmes cis, personnes trans ou autres, infériorisé-e-s socialement. Parmi ces personnes, qui a le plus de chances de vivre une grossesse non désirée ? Qui a le plus de difficultés à accéder à des moyens de contraception ou à un avortement ? Les personnes pauvres et/ou racisé-e-s. Mais de tout ça les auteurs ne disent rien, se contentant d’asséner de vieux poncifs sexistes du haut de leurs privilèges d’hommes cis blancs et de faire culpabiliser les personnes qui choisissent d’avorter, exactement comme cela se passe dans notre société sexiste, raciste et classiste.

Dans le même ordre d’idée, LTD a également publié un article présentant des photos de foetus d’animaux/les non-humain-es en appelant à « s’émerveiller » devant elles(4).  C’est exactement ce que font les réactionnaires anti-IVG avec des foetus humains, afin de faire culpabiliser les personnes enceintes et de les faire renoncer à l’avortement. LTD peut bien critiquer « les obscurantistes religieux [qui] ont tout intérêt à laisser les femmes dans la méconnaissance d’elles-même », ils font exactement la même chose (ainsi qu’à toutes les personnes non-femmes concerné-e-s par l’avortement). Si LTD prétend véritablement défendre le droit à l’avortement, qu’ils ferment leur gueule sur une question qui ne les concerne pas et cessent de dire à leur place ce que devraient faire les personnes susceptibles de vivre une grossesse.

Genre et Queer

Si sur certains sujets comme l’homosexualité ou l’avortement LTD tente de se donner une image progressiste et émancipatrice, sur d’autres questions ils assument clairement leurs positions réactionnaires et oppressives.

Aussi LTD est farouchement opposé à ce que, comme les réactionnaires, ils appellent « la théorie du genre », espèce de fantasme dans lequel ils réunissent pêle-mêle tout ce qui remet en question le monde hétéro-patriarcal depuis lequel ils écrivent(5). Pour LTD, le fait de raisonner en termes de genres, de ne pas définir les individu-e-s et leurs comportements par leurs seuls organes génitaux, est une invention des « partisans fanatiques du capitalisme, qui voient tout avec les yeux de l’individu, supprimant toute notion de société, de culture, et évidemment de Nature. Ultra-libéruxl (sic), ils disent même qu’on doit « choisir » son sexe, devenu un « genre » ».

Pour ces raisons ils détestent donc les queers, qui reviennent de manière obsessionnelle dans leurs articles, et qui sont vus comme les agents ultra-libéraux de la pseudo « théorie du genre », prônant « une négation des définitions mêmes de la notion d’homme et de femme ». Cette vision est en réalité bien proche de celle diffusée à l’heure actuelle par les réactionnaires, dont LTD reproduit d’ailleurs un des communiqués dans l’article cité plus haut, en le critiquant mais en précisant qu’ils sont d’accord avec toute la première partie du texte, qui explique grosso-modo que les hommes et les femmes sont défini-e-s par leurs organes génitaux, et que tout le monde doit rester à sa place dans le monde sexiste, homophobe et transphobe voulu par la « Nature ».

On peut en effet déplorer avec LTD et l’extrême droite les conséquences catastrophiques d’une telle idéologie : l’écroulement des oppressions sexistes sous les coups de femmes tabassant leurs violeurs à coups de battes de baseball, des émeutes de trans* brûlant les voitures des fascistes avec les fascistes dedans, des gangs de pédés et lesbiennes arpentant les rues pour casser quelques côtes à leurs agresseurs/euses, réduisant les homophobes au silence. En gros la libération des opprimé-e-s par les opprimé-e-s eux /elles -mêmes, et bien sûr la fin des privilèges de mecs cis* de LTD…

Rappelons qu’en niant l’existence des rapports de genre, en se référant continuellement à ce qu’ils appellent la « Nature » mais qui n’est rien d’autre que leurs préjugés de dominants, LTD ne fait rien d’autre que relayer les discours sexistes, homophobes et transphobes, qui depuis des millénaires légitiment l’oppression de certain-e-s humain-e-s en raison de leur apparence physique, de leur identité de genre ou de leurs pratiques sexuelles. Il serait en réalité largement appréciable qu’ils ne tentent pas de se dédouaner de leur responsabilité dans la perpétuation de ces oppressions simplement en faisant foi d’un antisexisme pitoyable, qui n’apparaît jamais autrement que pour rabaisser les personnes trans et non hétéros.

La transphobie* c’est naturel

Ce sont certainement les personnes trans* qui sont le plus l’objet de la haine de LTD. Rapportant dans un article une action menée par des personnes queers* à Portland aux États-Unis contre le stand d’une organisation écologiste, visant à dénoncer la transphobie de celle-ci(6), LTD y fait une description pour le moins brouillonne des bases politiques de ces personnes. Ne comprenant visiblement pas la différence entre le fait de se revendiquer du mouvement queer et le fait d’être trans, ils alignent les propos transphobes, définissant l’ensemble des personnes trans comme un bloc homogène de queers particulièrement virulents, d’individualistes forcenés, « produit[s] « post-moderne[s] » de l’ultra-libéralisme » cherchant à « contourner le patriarcat » pour conserver leurs privilèges. On reconnaît là une attaque formulée par certain-e-s féministes et pro-féministes transphobes, que reprend LTD comme caution pro-féministe. Et, argument ultime, les auteurs de l’article nous expliquent que prendre des hormones de synthèse n’est pas straight edge, et que les personnes trans ne peuvent donc pas l’être. Signalons au passage que de nombreuses personnes trans se définissent ainsi sans pour autant prendre d’hormones, ce qui d’ailleurs ne regarde absolument pas les hommes cis de LTD.

Dans leur traque forcenée de ce qui est soi-disant naturel, et surtout de ce qui ne l’est pas, LTD assume donc ouvertement que les personnes trans n’ont pour eux pas droit à l’existence. Cette position, d’une violence inouïe à l’encontre des personnes trans, est malheureusement conforme au traitement qui leur est réservé dans le monde ou nous vivons, où tout est fait pour les violenter, les inférioriser et les exclure. Rappelons au passage que rien qu’en 2012, 238 meurtres de personnes trans ont été recensées à travers le monde, ce qui ne représente qu’une faible minorité de tous les assassinats non pris en compte ou imputés à d’autres causes. La Terre d’abord, comme tant d’autres personnes, contribue directement à cet état de fait en alimentant l’idée que les personnes trans seraient des erreurs de la « Nature » à éliminer. Dans une optique de libération totale, il semblerait pourtant plus éthique d’éliminer la Terre d’abord…

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Troisième X et consentement

Dans ses délires réactionnaires, LTD tente également de s’ériger en gardien moral de la sexualité. Ils prônent le respect de ce qu’ils appellent le « troisième X » du mouvement straight edge (7), fustigeant les « anarcho-edges » qui « considère[nt] qu’on peut coucher avec n’importe qui, du moment qu’il y a le « respect » ». Pour LTD au contraire, « Ce dernier point, qui forme le troisième « X » du fameux « XXX », ne signifie pas simplement « respecter » ou « avoir des sentiments », il signifie que la sexualité va de pair avec une relation prolongée, avec le couple. »

Il serait trop long ici de faire une critique de l’injonction au couple exclusif, vu la plupart du temps comme seul modèle de relation possible, qui existe dans la société où nous vivons, et de toutes les souffrances et oppressions, notamment sexistes, qu’elle contribue à faire vivre à un nombre incalculable de personnes. Il est clair cependant que d’autres modes de relationnage ne sont pas forcément plus épanouissants pour les personnes qui les expérimentent, et rarement exempts de sexisme, de coercition et de respect de l’autonomie de chacun-e.

LTD cependant n’a visiblement aucune envie de se demander ce qui est problématique dans les relations et le sexe entre les personnes : pour eux, ce n’est ni le sexisme, ni l’hétéropatriarcat, ni la culture du viol. C’est simplement le « libéralisme capitaliste », excuse commode pour prôner un discours ultra-réactionnaire sur le couple exclusif qui serait exempt d’oppressions, crachant sur toutes les tentatives, notamment de féministes et de personnes non-hétéros, de trouver des formes de relationnage plus égalitaires et émancipatrices. Est-ce que LTD se rend compte de la proportion de viols et de violences sexistes au sein des couples monogames ? Probablement pas, puisqu’en tant qu’hommes cis ils sont du bon côté de la barrière, celui des dominants.

LTD a également écrit deux articles mémorables intitulés « Dominique Strauss-Kahn n’est pas straight edge »(8) et « François Hollande n’est pas straight edge »(9), où ils dénoncent la prétendue « perversion » de ces deux ordures politiciennes. Ils y mettent une affaire de viol et une infidélité conjugale sur le même plan, ne citant même pas le nom de Nafissatou Diallo, violée par Strauss-Kahn dans une chambre d’hôtel. En effet, le problème n’est pas pour LTD qu’une femme noire et pauvre se soit fait violer par un riche politicien blanc, mais que Strauss-Kahn, capitaliste pervers et «  insatisfait », ait cherché « à fuir ses pensées en les noyant dans l’alcool, ou bien les drogues, ou encore la sexualité. » Rien sur l’agression vécue par Nafissatou Diallo, sur son consentement, sur son point de vue. Pour LTD la seule chose importante est de prôner « l’amour » contre « la baise », expressions toutes faites qui ne veulent rien dire et montrent bien que le viol et le sexisme ne sont pas des problèmes pour eux.

Utiliser le mouvement straight edge comme prétexte à cette idéologie sexiste et pro-viol est une vaste blague. « Le » mouvement straight edge n’a jamais eu de discours clair et cohérent là-dessus, et pour cause puisque dès le début chacun-e en a fait sa propre interprétation, particulièrement sur le sexe. Il y a des straight edge pro-monogamie, d’autres qui vivent des relations libres, d’autres anti-sexe ou asexuel-le-s, et parmi toutes ces personnes certaines ont des comportements abusifs, sexistes ou oppressifs envers les personnes avec lesquelles elles relationnent. C’est déplorable et il est nécessaire de combattre ces comportements, mais ça n’a aucun rapport avec une prétendue « perversité » ou le fait de ne pas être en couple monogame, et personne n’est légitime à dire que certaines personnes sont de « vrai-e-s » ou de « faux/sses » straight edge du fait de leur mode de relationnage. La monogamie n’a rien à voir avec le respect et l’attention qu’on porte aux personnes avec qui on relationne, et dire le contraire c’est défendre une vision réactionnaire et passer sous silence toutes les oppressions que vivent énormément de gens qui vivent en couple exclusif.

Prostitution et porno

Dans plusieurs articles, notamment celui cité plus haut (7), LTD exprime également sa position pour l’abolition de la prostitution. Ils n’expliquent jamais pourquoi en détail, mais à la lecture de leur site on en déduit qu’ils considèrent qu’il s’agit d’une activité capitaliste et immorale, qui encourage la « perversion », les « faux sentiments » (en opposition aux « sentiments vrais » dont on ne comprend jamais vraiment ce que c’est). Ils ne se donnent même pas vraiment la peine de parler de l’oppression des femmes qui se prostituent comme on pourrait s’y attendre, mais on reconnaît des arguments rabâchés un nombre incalculable de fois par les abolitionnistes de la prostitution.

Comme la plupart des abolitionnistes, LTD ne montre en fait que peu d’intérêt pour le bien-être des travailleurs/euses du sexe, car leur position est avant tout moraliste. En témoigne un article du PCMLm, écrit donc par les personnes de LTD, qui dit explicitement qu’après leur fantasmatique révolution maoïste, « les personnes se prostituant seront réinsérées administrativement dans la société ou, si elles ne sont pas volontaires pour cela, passeront par la case rééducation en camp de travail », un exemple déjà appliqué « par l’Union soviétique de Lénine et Staline, par la Chine populaire de Mao Zedong. » (10) Il suffit de regarder l’activité à l’heure actuelle d’organisations comme le mouvement du Nid, association catholique qui « réinsère » les personnes se prostituant en les exploitant, les stigmatisant et les maintenant dans une précarité permanente, pour frémir à l’idée de ce à quoi ressemblerait les goulags rêvés par LTD.

La prostitution n’est certes pas une activité merveilleuse et épanouissante, en tout cas pas pour tout le monde, loin de là. La plupart de travailleuses/eurs du sexe en chient, prennent des risques qui sont moins présents ailleurs (viols, IST…) et beaucoup se font exploiter par des macs, il n’est pas question de le nier. Mais pour bien des personnes le travail salarié non sexuel est tout aussi destructeur et oppressant, sans pour autant qu’on parle de mettre les salarié-e-s dans des camps pour les faire revenir dans le droit chemin. Si la prostitution est une activité souvent dure, c’est en grande partie parce que les individu-e-s qui l’exercent se prennent de plein fouet l’oppression patriarcale et la culture du viol qui existent partout ailleurs. Et si des personnes en viennent à gagner de quoi vivre de cette manière, c’est souvent soit parce que le salariat est considéré comme une solution pire par ces personnes, soit parce qu’il ne leur est tout simplement pas accessible. Et il en sera de même dans que le capitalisme sera debout. Stigmatiser la prostitution comme particulièrement inhumaine revient la plupart du temps à cautionner le salariat et son cortège d’horreurs et d’exploitation, et surtout à faire des personnes qui se prostituent des pantins aliénés auxquels toute capacité de décision est niée, un moyen pratique pour les réprimer et prendre des décisions sur leur vie sans les consulter. En tout cas, ce n’est encore une fois certainement pas à La Terre D’abord, pas plus qu’à qui que ce soit d’autre, de décider à la place des personnes qui se prostituent ce qui est bien ou mal pour elles.

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A vrai dire, il est tout à fait légitime de critiquer l’industrie capitaliste autour du sexe qui perpétue les rapports marchands et énormément de rapports de domination, sexistes ou autres, mais ce n’est absolument pas une raison pour stigmatiser les travailleurs/euses qui en vivent. La société oppressive où nous vivons s’en charge déjà… LTD critique par exemple les auteur-e-s de la vidéo porno vegan antifa Passif Fist (11), les qualifiant d’«  alliés objectifs [de l’extrême droite] par leurs provocations décadentes ridicules » et les accusant de « crucifier leur propre dignité et leur propre pudeur ». Ce faisant ils font une confusion complète entre les oppressions véhiculées par la plupart du porno, notamment commercial, et un film amateur faisant la promotion d’une sexualité respectueuse et positive, notamment en montrant du sexe consensuel et protégé. Passif Fist visant précisément à emmerder les nationalistes et leurs complices, qui perpétuent des oppressions racistes et autoritaires au sein de la cause animale, son seul et unique rapport avec du porno capitaliste n’est pas qu’il perpétue les mêmes oppressions, mais bien qu’il montre des gens faisant du sexe ensemble. C’est bien là tout ce qui offusque LTD, qui condamne ce film non pas parce qu’il engendrerait des oppressions, mais pour défendre une morale abstraite et réactionnaire.

En conclusion

Il y aurait encore beaucoup à dire sur La Terre D’abord, par exemple sur leur opportunisme politique, leurs positions autoritaires et anti-anarchistes, leur condamnation de nombreuses actions directes, de certaines luttes de libération nationale, leurs remarques racistes… Que ce soit clair, la promotion d’une culture végan straight edge, positive et respectueuse, et d’une lutte pour la libération totale se battant à la fois pour les animaux humain-e-s, non humain-e-s et pour tous les êtres vivants est une nécessité. Le massacre des animaux et des écosystèmes à l’échelle planétaire n’est pas acceptable. Les rapports d’oppression dans les relations entre les personnes et l’autoaliénation par les drogues, encouragés par la société où nous vivons, doivent être combattus, et il est tout à fait pertinent de mener ce combat de front avec celui pour la libération animale.

Mais que La Terre D’abord se serve de tout ça comme excuse à leurs comportements oppressants n’est pas tolérable. Il ne s’agit pas de détails sans importance, mais bien des bases politiques de La Terre D’abord : une ligne politique dogmatique et autoritaire, la défense de leurs privilèges d’hommes cis blancs et de l’hétéropatriarcat, une morale réactionnaire qui ne participe à libérer personne, mais au contraire à opprimer davantage toutes les catégories d’humain-e-s déjà oppressées partout dans notre société. Parler de compassion pour la Terre et les animaux dans un tel contexte n’a pas de sens : si LTD veut mettre les putes dans des camps et se débarrasser des personnes trans, qui peut croire sérieusement qu’ils sont capables de prendre en compte les intérêts des animaux non-humain-e-s tels qu’ils/elles les ressentent, et pas comme LTD a décidé qu’ils étaient ?

A vrai dire, que les personnes de LTD soient sincères ou non dans leur démarche importe peu : ce qui importe vraiment, ce sont tous les articles orduriers qu’ils vomissent à la gueule des femmes, des personnes trans, des homosexuel-le-s, des travailleuses/eurs du sexe et d’à peu près toutes les minorités opprimé-e-s. C’est tout le mal qu’ils font en perpétuant les oppressions déjà présentes partout pour ces personnes. Si LTD veut  vraiment pouvoir se revendiquer de la libération totale, qu’ils cessent immédiatement de contribuer à toutes ces oppressions, s’excusent auprès de toutes les personnes qu’ils ont blessées et changent immédiatement leurs comportements et leurs propos. C’est malheureusement peu probable… En tout cas, il me semble primordial que les activistes pour la libération animale soient conscient-e-s de tout ce qui rend la vie dans ce monde si insupportable pour certain-e-s et  combattent toutes les oppressions, d’où qu’elles viennent.

Un-e genderqueer* végan-e straight edge anarcho-punk antispéciste nihiliste

*Cis : terme formé en opposition à trans, désigne une personne qui se définit comme appartenant au genre qui lui a été assigné à la naissance. Par exemple, les gens de la Terre d’abord ont été assignés hommes à la naissance et se considèrent eux-même ainsi, ce qui fait d’eux des hommes cis.

*Genderqueer : personne qui ne s’identifie pas au sein du système binaire de genre « homme/femme »

*Queer : Mouvement issu des luttes LGBTI radicales, qui remet en cause les catégories d’identité sexuelle : identités de genre (homme et femme) et d’orientation sexuelle (hétérosexuel-le et homosexuel-le). Le queer ne se limite pas à combattre les inégalités ou les dominations entre ces catégories – l’homophobie ou le patriarcat – mais remet en cause l’existence même de ces catégories.

*Trans : Personne dont le genre n’est pas celui qui lui a été assigné à la naissance. Certaines personnes trans n’ont pas de genre, d’autres en ont plusieurs, d’autres s’identifient en dehors des genres binaires, tandis que d’autres encore sont des hommes et des femmes.

*Transphobe : désigne les oppressions que subissent les personnes trans du fait de leur transidentité, l’immense majorité du temps de la part de personnes cis.

(1) www.lesmaterialistes.org

(2) www.laterredabord.fr/articles9/hardline2.html

(3) www.laterredabord.fr/?p=16408

(4) www.laterredabord.fr/?p=16358

(5) www.laterredabord.fr/?p=16441

(6) www.laterredabord.fr/?p=14875

(7) www.laterredabord.fr/?p=15960

(8) www.laterredabord.fr/?p=9583

(9) www.laterredabord.fr/?p=16393

(10) www.lesmaterialistes.com/pcmlm-document-45-prostitution-manifeste-343-salauds

(11) www.laterredabord.fr/?p=15716

Dernière minute : droit de réponse reçu de La Terre D’abord (26 avril)

On n’en a rien à faire de ton mail délirant qui n’a aucun intérêt à part la promotion de ton ego et la convergence avec le futur carton du FN aux prochaines élections, dans le grand mépris des animaux qui ne servent que de faire-valoir potentiel à tes conceptions perverses.

En clair casse toi sale faf!

Merci de votre soutien et content-e-s de voir que vous avez décidé de vous remettre en question ! Salutations internationalistes !